La nourriture. Cette base primitive de la vie humaine…
Le fœtus possède déjà une certaine sensibilité gustative, cela explique que dès sa naissance avant tout contact avec un aliment, le nouveau-né manifeste ses préférences. La saveur pouvant être génétiquement fixée (le sucre est recherché par toutes les espèces animales, l’amer est tout aussi unanimement rejeté) ou pourrait provenir d’un apprentissage qui aurait lieu dès les premiers mois de la vie intra-utérine, grâce à la composition du liquide amniotique qui est influencée par l’alimentation de la mère.
L’apprentissage physiologique permet d’apprendre à reconnaître les produits aptes à satisfaire notre faim et nos besoins spécifiques. Nous recevons des messages internes qui nous signalent nos besoins alimentaires.
C’est le déficit cellulaire en glucose, baisse du sucre dans le sang, qui induit la faim.
La faim est le besoin nourriture, elle diffère de l’appétit qui est un désir de nourriture.
La faim est perçue de 2 manières : Une sensation générale de faiblesse accompagnée d’agitation et d’inquiétude (phénomène d’hypoglycémie). Une sensation de tension, puis des crampes dues aux contractions des muscles gastriques dans un estomac vide suivie d’une période de tranquillité 1/2h à 1 heure) après quoi les contractions reprennent si aucune nourriture n’a été prise.
Nos repas ne durent que quelques dizaines de minutes et nous nous arrêtons de manger avant que les nutriments contenus ne soient passés dans l’organisme, grâce à des analyseurs qui préviennent le cerveau sur la nature des aliments qui entrent dans la bouche.
C’est l’information sensorielle, le gout, l’odeur, l’aspect de l’aliment qui fournit cette information précoce lorsque l’aliment a déjà été « appris ». Cette information concerne le contenu calorique mais aussi les éléments que contient l’aliment tel un acide aminé, une vitamine…
Le besoin de soulager une carence parvient même à transformer une aversion en préférence.
La saveur d’un met est en fait une donnée complexe. Elle met en jeu à la fois la sensibilité gustative propre à chacun, l’olfaction, la perception thermique, la reconnaissance de la forme et de la consistance, l’appréciation de la texture des aliments. C’est l’ensemble de ces sensations qui constitue notre système d’attraction et de sélection.
La perception visuelle intervient de façon notable, elle permet d’anticiper la saveur, elle nous renvoie aux expériences antérieures. Ainsi nous pouvons savoir, par exemple, le stade de cuisson d’une viande ou encore si un fruit est mûr ou non. Le regard prépare et suscite l’envie.
L’olfaction – sens très animal – est le sens à l’origine de l’intensité de notre goût. Elle se fait avec la respiration normale qui décèle les molécules odorantes présentes dans la bouche pendant l’ingestion des aliments qui vont se diffuser librement jusqu’à la muqueuse olfactive.
Elle participe au plaisir, contrôle et détermine la satisfaction de nos besoins nutritionnels. Pour les aliments inconnus, le nez fait fonction de sentinelle avancée qui veille et interroge.
Les odeurs sont très émotionnelles et très liées aux mécanismes de la mémoire. Non seulement il n’y a pas d’odeurs neutres – on les aime ou on les déteste – mais en plus leur souvenir reste gravé pour toujours. Un souvenir instantanément réveillé, dès la toute première bouffée…
Les framboises n’ont aucun gout mais leur parfum est délicieux.
Le flairage permet de distinguer la nature de l’aliment, il multiplie par dix le débit d’air dans les narines et augmente le nombre de molécules qui atteignent les muqueuses. Il augmente considérablement la stimulation olfactive. C’est le premier « flairage » qui est significatif car ensuite nos récepteurs olfactifs sont saturés.
Bien que de nos jours, il soit considérablement réduit, il sert encore lorsqu’on a un doute sur la fraicheur d’un aliment.
L’ingestion d’aliments donne naissance à deux perceptions : l’odeur qui est ingérée et l’arome qui, lui, est respiré.
Les aromes ne sont pas des odeurs, mais un ensemble de composés organiques volatiles qui environnent le produit alimentaire. Ils n’apportent aucune contribution nutritive. Alors que pour les odeurs c’est de parfum qu’il s’agit et elles ne sont là que pour flatter nos perceptions. Le nez jauge et rappelle.
La gustation est évidemment l’un des sens les plus importants dans le choix de la nourriture et surtout dans le plaisir qu’elle donne.
Le gout est un sens chimique lié à l’existence de récepteurs spécialisés. Pour chaque saveur, il existe des récepteurs distincts situés en des zones différentes de la langue. La sensibilité au sucré est la plus grande, située sur la pointe et sur la partie antérieure de la langue. Le dos de la langue est sensible à l’amer. La sensibilité salée se situe sur un territoire largement étendu et la sensibilité à l’acide est restreinte aux bords de la langue. La langue pèse et classe.
Les papilles gustatives sont çà la fois fragiles – perturbées par l’alcool, le tabac, les épices, le trop chaud ou trop froid…- et précieux en tant que récepteurs et transmetteurs des sensations vers les centres nerveux gouvernant les organes sécréteurs utiles à la digestion.
L’odorat et le gout sont d’une sensibilité prodigieuse, d’une finesse et d’une puissance telle qu’aucun instrument n’est capable actuellement de les égaler et notre acuité olfactive est dix mille fois plus sensible que notre gout. Ces deux sens sont déjà fonctionnels avant la naissance.
L’apprentissage social fait quant à lui intervenir des aspects non métaboliques du comportement alimentaire, comme la sensibilité, l’intellect ainsi que les règles alimentaires familiales, sociales ou culturelles. Cet apprentissage est intégralement appris en fonction des normes de la société ou des expériences personnelles passées.
Le cerveau se souvient, il n’est pas réflexe, il prévoit, imagine, rêve, analyse… créant ainsi le plaisir esthétique de la gastronomie et à la satisfaction physique de la faim s’ajoute le plaisir plus intellectuel et émotionnel de la gourmandise.
Sans oublier les mains qui participent aux plaisirs de la table pour prendre, tenir, palper, piquer, appuyer, couper, caresser…apportant ainsi des informations sur son aspect extérieur : dur, mou, doux, rugueux, … et sur son intérieur : moelleux, fermeté… et qu’on va apprécier ou non toujours en fonction de sa propre expérience individuelle.
Et l’ouïe qui perçoit le croquant et la friabilité de l’aliment participe aussi aux comportements sociaux.
Alors que la satiété commence à l’arrêt du repas, le rassasiement se met en place dès le début du repas. Il correspond aux phénomènes anticipatoires qui ralentissent la prise de nourriture dès qu’apparaît une diminution importante du plaisir que procure l’aliment que nous sommes entrain de manger. Il ne dépend pas des besoins métaboliques de l’organisme mais est lié au gout de l’aliment. Les aliments d’une même famille interagissent, c’est ce qui explique l’abandon de certains aliments au profit d’autres au cours du repas. Les contrastes de couleurs, de textures et de saveurs évitent la lassitude des sens. Ce phénomène a un avantage, il évite les risques de carences.
Ensuite lorsque la quantité adéquate de nourriture est passée, le présence d’un volume important dans l’estomac est signalée aux centres nerveux qui commandent l’arrête de la prise alimentaire.
Pour finir, cette surveillance est complétée, au niveau, de l’intestin, par des sentinelles sensibles au contenu détaillé du bol alimentaire et par des analyseurs présents dans le foie, où convergent les différents éléments nutritifs avant d’être distribués vers les cellules du corps, qui en cas de surplus en informe le cerveau en temps utile.
On peut dire que la constance du poids est finalement un extraordinaire prodige de la nature avec une erreur inférieure à 1% entre les calories absorbées et les dépenses énergétiques. Tout cela grâce à une surveillance cérébrale efficace, mais qui peut tout aussi bien devenir défaillantes. Par inadaptation au milieu extérieur qu’il s’est crée, par sa sédentarité, l’homme est en train de perdre la gestion de son corps.